Saison 1973, Les Faces remportent le championnat d'Angleterre de League One (l'équivalent de notre deuxième division) rock'n'roll avec dix longueurs d'avance !
Humble Pie et Mott The Hopple, distancés, n’accéderont pas à la Premier League... "
Rod Le Zob" sacré meilleur pointeur de la saison quitte l’équipe pour une
carrière américaine et ramasse la mise.
Ah, ah, les p'tits loups, il faut que je vous conte l’aventure de ces lascars, parce que je les adore.
Au début, furent les Small Faces (c’est pas des blagues, ce nom, ils ressemblent vraiment à des
réductions de têtes d’indiens Jivaros ou, alors, ils ont dû souffrir de malnutrition étant jeunes,
particulièrement Mariott et Lane qui arborent les mêmes oreilles en chou fleur dépassant de leur
coupe "Fab Four " naissante, un peu à l’image du jeune Keith, tiens donc ?). [Ici, le nom Faces évoque davantage une "figure" qu'un "visage", dans le vocabulaire modernist, un "face" est une sorte de "super mod" particulièrement apprécié pour l'excellence de ses goûts musicaux et vestimentaires (note de Jimmy).]
Donc les Small Faces sont ce groupe génial que vous connaissez. Pendant les mid sixties, sous la
férule de Don Arden, manager aux méthodes mafieuses, qui leur refilait vingt livres par semaine [mais un crédit illimité dans les meilleurs boutiques de fringues (note de Jimmy)], puis de
l’inspiré Andrew Loog Oldham sur son label Immediate Records, ils alignent les hits imparables
et stylés (Watcha gonna do, Lazy sunday, Itchicoo park, Tin soldier etc.) à l’instar de leurs
contemporains britishs : Who, Yardbirds, Action, Creation, Pretty things, Rolling stones, Kinks,
Them, Animals… et j’en passe car ils sont nombreux et ont les dents longues.
Ils sont en train d’écrire l’Histoire du rock, pendant qu’en France on nous infuse du Johnny (R.I.P. in St.
Barth) et la bande de yéyés pourris chaperonnés par Albert Raisner à l’harmonica.
Inutile de préciser que nos têtes chétives ont été biberonnées à la soul pur jus et au rythm’n'blues
énergique plus qu’au blues pur et dur (Stones, Pretty Things...) ou au rock'n'roll.
En 1968, c’en est marre de ces groupes pop à singles, les Small Faces doivent réaliser leur oeuvre
maîtresse tels les compagnons du devoir s’ils veulent accéder au niveau supérieur de la hiérarchie.
Hendrix, Cream, Pink Floyd et consorts sont en train d’enflammer la scène londonienne tandis
que Led Zeppelin fourbit ses armes de destructions massives !
Il s’agit du concept album - et psychédélique pour corser l’affaire ! Depuis Sergent Pepper, les Beatles
ont imposé l’exercice. En réalité, il s’agit de mettre en musique un conte ou une histoire débile sous
différents thèmes, d’agrémenter le tout d’improvisations fumeuses avec instruments exotiques
divers et variés, le tout entièrement exécuté sous l’emprise de stupéfiants lysergiques et de décréter
une fois la tache terminée qu’il s’agit d’un chef d’oeuvre.
Certains groupes ont pris cela très au sérieux, on a même parlé d’opéra rock pour les Who ! Les
critiques ont fait des gorges chaudes de ces albums qui sont jugés encore aujourd’hui comme des
sommets artistiques. J’aime bien le Satanic Majesties des stones car on voit bien qu’ils n'en avaient
rien à battre, à part Brian Jones, et qu’ils ont bâclé le truc.
Pour les Small Faces, ce sera Ogden’ s nut gone flake, une histoire de tabac à rouler ou j’ai rien
compris ?
Pour les Pretty things, ce sera S.F. sorrow, un truc vaudou qui fait froid dans le dos avec le Baron
Saturday…
Les concepts albums sonneront le glas de tous les groupes mod /freakbeat/ high energy, trop
éloignés de leur base r'n'b et incapables de jouer cette mélasse en concert devant un public qui leur
réclamait leurs premiers hits pop. (Les Beatles, pas cons, avaient arrêté de faire des concerts depuis
belle lurette et pouvaient s’éclater en studio, ah ah !)
A la suite de ce flop prévisible et de la faillite du label Immediate, Steve Marriott s’en va former
Humble Pie avec Peter Frampton (ex the Herd, autre groupe mod). Marriott qui était un chanteur
extraordinaire du temps des Small Faces se met à hurler comme un forcené sur des morceaux sans
grande finesse (c’est du rock besogneux qui peut être agréable parfois sur certains albums (Smoke
it !, Eat it ! attention à l’indigestion tout de même…), mais je défie quiconque de s’enfiler
jusqu’à la fin les quatre faces du live : Rockin' at the Fillmore figurant pourtant dans toutes les annales
encyclopédiques du rock et dans le numéro 54 de Best Les 100 Meilleurs album du rock qui a servi de
base à la construction de ma discothèque, mais je m’égare une fois de plus... "
Ain’t nobody white can’t sing the blues", chantait Mitch Ryder qui en connait tout de même
un rayon sur le sujet.
Frampton décrochera la timbale américaine en solo avec Frampton comes alive et son
insupportable scie à la talk box : Show me the way qui fera date, et Marriott après une tentative
solo et reformation des Small Faces sans Ronnie Lane tombera dans les oubliettes du rock; il
succombera à l’incendie qu’il avait lui-même provoqué (un sale coup de baron Saturday peut
être ?). Quel gâchis !
Mais revenons à notre affaire.
Nos trois têtes réduites se retrouvent sur le carreau avec le nom du groupe en héritage, décapité
(ouah !) par le départ de leur frontman chanteur et guitariste. Ils vont alors tirer au grand jeu de chaises
rock’n roll deux cartes maîtresses pour réaliser le flush royal (ou du moins un joli full house qui n’est
pas une mauvaise main non plus).
J’ai nommé : Rod "jamais de slip sous ton kilt" Stewart et Ronnie "Woody Woodpecker" Wood en
provenance du Jeff Beck Group avec lequel ils avaient posé quelques bases du heavy rock.
Ces deux-là, ils seraient plutôt issus de la tribu des long faces avec un sérieux problème capillaire
d’épi permanent dans les cheveux de type sortie de lit après grosse biture qui ne cadre pas avec leur
compères les trois réductions Jivaros.
C’est ma théorie selon laquelle le groupe aurait abandonné le "small" pour devenir les Faces tout
court, mais tout cela n’est que vaine supputation.
Bon alors, je résume : l’équipe de galactiques qui va attaquer le championnat : a
ux avant-postes :
Rod Stewart : gosier râpeux aux effluves de tourbe sentant bon le vieux malt des Highlands, a
ime la chatte fraîche et le cognac Rémy Martin ;
Ron Wood : tout sauf un manchot de la six cordes : "
il connait son Big Bill Bronzy par coeur" dira de lui Keith Richards avant de le recruter.
Féru de bottleneck, il ouvrage ici bien mieux qu’avec les Stones (J’ai aussi une théorie
pour cela, mais on n’a pas le temps !)
Ne crache pas sur le Chivas Regal et autres remontants...
En défense :
Ronnie Lane : bassiste souple et mélodique, il forme un attelage chevronné en défense centrale avec
Kenney Jones et o
fficie également en tant que deuxième chanteur (pas assez souvent à mon gout). C'est un
compositeur élégant dans un style plus pop que les trois autres.
Kenney Jones : attention très grosse pointure ! Batteur de la trempe de Keith Moon qu’il remplacera
d’ailleurs au sein des Who après son décès.
Il est capable de modifier plusieurs fois son tempo dans un même morceau, ce qui caractérise le son
des Faces. Jetez une oreille à I’m losing you live at the BBC pour vous faire une idée
du client et de la rythmique des Faces... Au milieu :
Ian McLaglan : c’est l’arme secrète aux claviers (piano/orgue), le joker, l’homme des passes
décisives. ll apporte à la musique des Faces ce côté bastringue totalement Stonien (période Exile,
j’entends) ou enrichit à l’orgue la rythmique du groupe qui est déjà monstrueuse...
C’est dans cette configuration d’origine que les Faces nous ont livrés quatre premiers albums
savoureux et quasiment identiques en qualité.
Les deux derniers sont produits par Glyn Johns (je sais que ça en intéresse certains de connaitre les
producteurs, pas vrai Milord ?).
Leurs reprises (Dylan, McCartney ou Chuck Berry) sont impeccables notamment Memphis
Tennessee et le Baby I’m amazed de Sir Paul, chanté à deux voix avec Lane, version qui me parait
(là, je me risque) supérieure à l’originale.
Il faut également préciser à la décharge du groupe que pendant toute la période des Faces, Stewart
menait en parallèle une carrière solo et réalisera trois ou quatre albums du même tonneau privant
ainsi les Faces de certaines de ses meilleures compositions.
Vous ne trouverez aucuns de leurs albums dans les annales discographiques du rock et encore moins
dans le dictionnaire amoureux du rock d’Antoine de Caunes [Ce n'est pas tout à fait vrai ! (note de Jimmy)]. Ah, ah !
Pourtant leur boogie faussement brinquebalant bien servi par la voix chaude et râpeuse de Stewart
donnait sa pleine mesure en live et restera une bulle d’oxygène dans l’univers rock du début des
seventies. Pendant que les autres concurrents emplissaient les murs d’amplis Marshall au service du
hard rock naissant en poursuivant en vain le dirigeable hors d’atteinte et si haut dans le ciel, les Faces
déroulaient faciles à la conquête du titre.
Bowie et les Dolls allaient remettre de l’ordre dans la maison en attendant le grand nettoyage final
de 77.
Las, les Faces ne seront jamais considérées comme un groupe sérieux - et c’est tant mieux ! Il faut une
bonne dose de "stupidité" pour faire du bon rock’n'roll, c’est Iggy qui l’a dit.
Vas-y, Woody, tricote nous ton solo sur ta gratte en couvercle de chiottes et toi, Rod, moulé dans ton
pyjama de satin jaune continues à balancer ton pied de micro. Vous avez gagné le titre en 73 en League One
et celui-là personne ne viendra vous le retirer ! Et pour cet exploit, vous
entrez au panthéon du Duke pour l’éternité…
Discographie selective :
The Faces : First step, Long player, A no dis as good as the wink…, Ooh la la.
Rod Stewart : An old raincoat won’t ever let you down, Gasoline alley, Every pictures tells a
story, Never a dull moment.
Ron Wood : I’ve got my own album to do.
Pete Townshend & Ronnie Lane : Rough mixes.
Ces deux derniers albums étant chaudement recommandés, il s’agit de semi-classiques. [S'il vous manque un de ces grands disques, n'hésitez pas à demander (note de Jimmy).]
LE DUKE [Vous prendrez bien le temps d'un petit commentaire !]